Aurelia Bizouard avec Kulturelia

Aurélia Bizouard est une artiste qui aime connecter les gens à l’art en les invitant à la réflexion et au dialogue. Elle vit entre Paris et Vancouver. En 2016, elle a créé le Café des Arts et le Marketing de l’art puis Kulturelia en 2017. Elle se sert de la transparence et de la lumière pour ses créations comme réflexion en créant un art qui nécessite la participation du public.
Avec Kulturelia, projets en pratique artistique collective, elle permet aux gens de s’exprimer à travers l’art et de participer à la création d’un autre monde.

Montage son : Hélène Malfoy

Le site de Kulturelia

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Isabelle Martinez
Bienvenue Aurélia Bizouard dans « Les Bienfaits de l’Art, » et merci infiniment d’avoir accepté notre invitation pour ce podcast.

Aurélia Bizouard
Bonjour Isabelle, je te remercie pour cette invitation. C’est un réel plaisir d’être ici.

Isabelle Martinez
Commençons par évoquer le nom « kulturelia ». Comment est-il né, et quelle est l’idée sous-jacente ?

Aurélia Bizouard
C’est une question pertinente. De nombreuses personnes se demandent pourquoi j’ai opté pour le nom Kulturelia.

En 2017, lors de ma première œuvre collective, plus de 300 participants se sont réunis pour une co-création.
En contemplant l’œuvre une fois le public parti, j’ai ressenti ce qu’on appelle le syndrome de Stendhal, une forme de bonheur quasi-sublime, une émotion forte que provoque l’œuvre d’art au regardeur.

En explorant cette réaction, j’ai compris que cette œuvre portait des valeurs humaines, du vivre ensemble, de la co-réalisation, peu importent les origines.
Ces valeurs étaient fondamentales pour moi et pouvaient s’exprimer à travers l’art.
En recherchant le terme scientifique du syndrome de Stendhal j’ai trouvé HYPERKULTUREMIA que j’ai simplifié par Kulturelia.

Isabelle Martinez
Tu as lancé tes projets à Vancouver en 2017, puis les as ramenés en France. Actuellement, Kulturelia est devenu assez reconnu dans le 13e arrondissement de Paris. Partage-nous un peu ton parcours et l’évolution de tes projets ?
En tant qu’artiste visuelle, es-tu convaincue des bienfaits de l’art en général, de sa puissance, à l’instar d’Henri Matisse qui plaçait des œuvres dans la chambre de ses amis malades ?

Aurélia Bizouard
Lorsqu’on contemple une œuvre d’art, qu’on s’immerge dans la musique ou qu’on découvre une création artistique, on se retrouve face à soi-même. C’est un voyage intérieur qui reflète nos émotions, suscite des sentiments, que ce soit à travers les couleurs, les formes, ou simplement l’image elle-même. Cela peut être un périple positif incitant à la création.
Dans les projets d’art collectif, les participants rapportent non seulement avoir passé un moment agréable, mais également ressentir un bienfait après avoir créé ensemble, exprimé leur individualité et partagé des moments artistiques.

Isabelle Martinez
Là où je voulais en venir avec Kulturelia, c’est que ce projet va au-delà des simples effets visuels car le public est activement impliqué et participatif. Peux-tu me parler du processus et de comment cela se déroule, en particulier pour faire créer des personnes qui n’y sont pas habituées, car ce n’est pas si simple que cela.

Aurélia Bizouard
Oui, en effet, j’ai tendance à dire que nous sommes tous des artistes, en suivant un peu le projet de Joseph Beuys et de son concept de « sculpture sociale ». Pour moi, dans mon travail en tant qu’artiste visuelle, je travaille avec la force créatrice présente en chacun. Que ce soit un observateur, un modèle ou un participant, chacun est un vecteur d’expression et un reflet de l’histoire que nous sommes en train de créer. Il est essentiel pour moi d’impliquer les autres.
Ainsi, le travail de la transparence est essentiel pour moi. Je travaille à partir de celle-ci et tout ce qui est couleur lumière pour refléter un thème.
Depuis une dizaine d’années, je travaille avec des supports transparents tels que le verre, le plexiglas, des feuilles de rhodoïd, ou même un voile. C’est-à-dire tout ce qui est transparent pour laisser passer la lumière. Je dessine sur ce support transparent en utilisant des couleurs lumineuses, créant ainsi une connexion visuelle avec le monde extérieur.
Les projets de Kulturelia représentent une extension de ma pratique artistique, qui était plutôt centrée sur mon monde intérieur. Je me suis interrogée sur la manière dont je pouvais apporter quelque chose au monde qui m’entoure.
La première fois que j’ai réalisé cela, c’était avec une œuvre dessinée à l’acrylique noire sur une feuille de rhodoïd. J’ai ensuite projeté un faisceau lumineux très focalisé à travers ce dessin, qui s’est agrandi sur le mur où je l’avais projeté. Le dessin, initialement petit sur la feuille, est devenu grand et lumineux sur le mur. C’était comme si la lumière projetée transformait le dessin sur le mur.
À partir de là, j’ai commencé à faire participer les gens. Le processus consiste à créer un dessin sur un thème choisi, souvent lié à des préoccupations actuelles et importantes pour notre humanité. Une fois le thème choisi, le dessin est projeté en lumière sur un mur ou une toile dans un lieu spécifique, choisi en fonction du public visé. La troisième étape est la co-création avec le public, que ce soit dans la rue, sur un mur, ou avec des partenaires tels que des associations, des entreprises privées ou des urbanistes travaillant sur l’aménagement d’un quartier.

Le processus implique de guider les participants dans la création du dessin en suivant les lignes lumineuses, évitant ainsi la page blanche et les incitant à contribuer à la réalisation artistique. C’est une manière de permettre à chacun de s’exprimer librement, tout en établissant un dialogue sur des thèmes importants tels que la symbiose avec la nature, la protection de l’environnement, et d’autres sujets cruciaux pour notre monde.
Tous ces créateurs spontanés vont exprimer quelque chose de beau.

Isabelle Martinez
J’imagine les fresques qui fleurissent dans le 13ème et la sensation de beau qui imprègne le quartier mais dis-moi qui est véritablement ce public, ces créateurs spontanés ? J’imagine que les gens ne se connaissent pas forcément. Peux-tu nous parler de l’intelligence collective qui en émerge sans concertation préalable et effectivement cette floraison et cette intelligence dans la créativité qui surgit, qui apparaît dans les fresques ?

Aurélia Bizouard
Comme je le disais les gens vont se retrouver dans un lieu consacré qui fait partie de la société mais qui finalement devient un lieu un peu à part parce que c’est un lieu de dialogue et d’expression libre. Ce sont des familles, des jeunes, des personnes qu’il y a dans le quartier ou qui y passe par hasard. Peu importe d’où est-ce que vous venez, peu importe si vous habitez le quartier ou pas. Vous pouvez juste être un touriste et puis venir en profiter au passage. C’est aussi un lieu de rencontre c’est un espace où les gens vont se rencontrer et en dehors de cet espace ne pourrait peut-être jamais se rencontrer. Cela vient renforcer les relations humaines parce que tout le monde s’exprimer sur un thème qui est mis en dessin.
Ce qui est amusant c’est que souvent vous avez une personne qui va avoir 85 ans et qui va venir peindre en mettant une simple touche de couleur mais on peut aussi avoir à côté un petit bébé avec sa maman.
Je peux donner un exemple d’une murale qui a été réalisée dans le 13e arrondissement de Paris : il y avait des officiels qui étaient là spécifiquement pour créer, un couple qui habite le quartier, une jeune étudiante étrangère, un migrant qui loge à l’hôtel juste derrière, des joggers de passage.

Ce ne sont pas forcément des publics qui se croiseraient dans la vie quotidienne. Cet espace créatif leur a permis de se rencontrer, d’échanger et surtout de co-créer. Cela laisse une trace assez extraordinaire de ce moment de liberté d’expression. À ce moment-là tout le monde ressent les bienfaits de la création mais j’entrevois aussi un autre bienfait, c’est celui de la fresque qui reste dans le quartier.

Isabelle Martinez
Peux-tu nous parler aussi des bienfaits post création ? Que se passe-t-il : as-tu eu des retours par rapport aux habitants qui vont avoir sous leurs yeux cette fresque au quotidien ?

Aurélia Bizouard
Effectivement, les gens s’approprient l’œuvre, c’est-à-dire qu’ils ont laissé leurs propres traces et quand ils repassent devant ils sont très fiers d’avoir participé. Ils vont prendre une photo devant, ils vont inviter des amis à venir la voir. Il y a une espèce de fierté d’avoir fait quelque chose de créatif, d’être passé à l’action. C’est aussi pour ça que je réalise ces projets, c’est pour montrer qu’on est capable de passer à l’action, de se faire du bien en créant. On a tous des personnalités différentes mais finalement on souhaite tous voir une œuvre harmonieuse naître de nous et des autres. Toutes les personnes si différentes les unes des autres tendent à vouloir le beau, à vouloir s’exprimer. Elles vont laisser une œuvre harmonieuse et qui de plus dans le temps perdurent et ne sont pas recouvertes par d’autres graffitis.

Ces fresques ouvrent le dialogue, même si tout le monde n’a pas participé, la couleur a un impact réel dans le quartier. Elle contribue à réhumaniser l’environnement parfois dégradé.
Finalement, cela génère du respect, non seulement pour le quartier, mais aussi pour l’environnement souvent négligé. En introduisant la notion de beauté artistique, nous constatons un respect émerger naturellement. C’est comme si cela ne nécessitait pas d’éducation, c’est une démocratisation de l’art, accessible à tous. Cela montre que chacun est capable de contribuer à quelque chose de beau.

Isabelle Martinez
J’imagine un monde où des fresques fleurissent partout, créant une interconnexion humaine et une intelligence collective créative. Cela m’amène à réfléchir sur le changement dans le monde, un changement que nous ressentons tous. En conclusion, je voudrais aborder l’utopie culturelle. Est-ce que tu as une vision, une idée idéale quand il s’agit de cultiver le public, en particulier ceux qui participent activement ? Comment imagines-tu cette co-création où les artistes s’effacent pour laisser place à l’expression du public ?

Aurélia Bizouard
Avec mes animateurs créatifs et collaborateurs, nous formons une équipe formidable. Ils guident et accompagnent, mais aussi se retirent pour laisser le public devenir les créateurs de l’œuvre. L’objectif est de créer ensemble, de construire un monde possible. C’est une vision peut-être utopique, mais cela suscite des questions et incite à penser à ce que chacun peut faire de plus.

Mon travail artistique, à travers le médium de l’art, est comme une goutte d’eau selon la théorie du Colibri de Pierre Rabhi,
Certaines œuvres sont éphémères, d’autres pérennes, mais je documente ce travail rationnellement pour le rendre toujours accessible, même virtuellement.

Mon idéal serait de continuer ce travail et d’avoir des ambassadeurs culturels qui mettraient en place ces projets dans leurs propres pays sans qu’il y ait besoin de ma présence ou celle de mes assistants et pourquoi pas aussi mettre des propositions en ligne.

Isabelle Martinez
Je voulais aussi terminer en te proposant de te suivre un jour sur un projet et te filmer afin de capturer le bonheur des participants.

Aurélia Bizouard
J’avais l’idée de proposer de venir photographier le public ou de faire une mini-vidéo devant la fresque en choisissant juste un morceau de l’œuvre. Ça vient rejoindre un peu mon travail d’artiste c’est-à-dire mettre l’humain au cœur comme force créatrice et au cœur du travail artistique. En tant qu’artiste je pense que tout est entre nos mains, tout dépend de nous, qu’est-ce qu’on va faire de la terre, de notre avenir ? qu’est-ce qu’on est capable de faire ? On est tous capables de faire quelque chose donc : donner la force aux gens de voir qu’ils sont extraordinaires et que ce sont des êtres de lumière extraordinaire

Isabelle Martinez
Je pense que nous sommes bien partis tous pour avancer particulièrement après la crise sanitaire où nous nous sommes retrouvés plutôt isolés. Depuis, beaucoup de personnes se questionnent et souhaitent faire un pas pour des transformations et des changements à travers l’art mais pas seulement.

Aurélia Bizouard
Des lieux de dialogue et de rencontre servent aussi à se questionner et puis peut-être à trouver des réponses.

Isabelle Martinez
Nous allons terminer sur cette belle utopie quand je dis utopie je précise c’est déjà là et je te remercie beaucoup Aurélia.
Rendez-vous bientôt pour filmer avec bonheur un de ces beaux projets.
À très bientôt Aurélia

Aurélia Bizouard
Merci encore Isabelle c’est un plaisir de partager le projet Kulturelia

(4) Comments

  1. says:

    Bravo pour ce premier podcast! Echange très intéressant entre vous deux!

  2. says:

    Merci pour ce podcast vivant et intéressant qui ne se limite pas à répéter ce qui est écrit dans des livres.

  3. says:

    Merci pour cet échange, pour comprendre la vision de l’artiste ! Son attention à faire refléter dans ses œuvres tout ce qu’elle veut faire passer comme message !

  4. says:

    Je me sens enrichie par votre échange,un échange qui fait du bien à son tour tout comme les bienfaits de l’art que l’on découvre dans les fresques murales d’Aurélia co créés avec le public, un beau cercle vertueux!

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