LES BIENFAITS DE L'ART
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Les défis de la médiation en art contemporain pour les tout-petits
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Les défis de la médiation en art contemporain pour les tout-petits

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L’importance d'une médiation artistique adaptée

Inventer de nouvelles méthodes de médiation artistique pour les tout-petits est une initiative prometteuse, mais elle ne suffit pas à elle seule. Bien que les jeunes enfants abordent l’art avec curiosité et ouverture, les adultes qui les accompagnent peuvent parfois freiner cet élan. Ce phénomène est particulièrement marqué lorsqu'il s'agit d'œuvres contemporaines et conceptuelles. Les adultes abordent souvent ces œuvres avec leurs propres préconceptions, projetant à la fois leur compréhension et leur réticence.
Confusion entre les sentiments de l’adulte et celui de l’enfant
Il est courant que les adultes confondent leurs propres émotions avec celles des enfants. Par exemple, si un adulte trouve une œuvre difficile à comprendre ou peu attrayante, il peut interpréter l’attitude curieuse ou indifférente de l’enfant comme un signe de désintérêt ou de frustration. Cette projection peut freiner l’élan naturel de découverte de l’enfant et limiter son engagement spontané avec l’art.
Nécessité d’une ouverture sensible chez l’adulte
Médiation des tout-petits à l'Abbaye de Maubuisson
Pour éviter cette projection et mieux accompagner les tout-petits dans une exposition contemporaine, il est crucial que les adultes eux-mêmes s’ouvrent à une nouvelle manière de percevoir l’art. Ils doivent apprendre à approcher les œuvres avec un esprit ouvert et sans jugement, renouant avec leur propre sensorialité et leur capacité à ressentir plutôt qu’à analyser.
Approche non mentale de l’art
L’approche non mentale de l’art implique que l’adulte s’autorise à vivre l’expérience artistique de manière intuitive et sensorielle, sans chercher immédiatement à la comprendre ou à l’intellectualiser. En se reconnectant à leurs propres sensations et émotions, les adultes peuvent mieux accompagner les enfants dans leur exploration. Ils peuvent ainsi créer un espace où les tout-petits se sentent libres de percevoir et d'interagir avec l’art à leur manière.

La puissance de la communication non verbale

La communication non verbale joue un rôle essentiel dans la transmission des émotions et des attitudes entre les adultes et les tout-petits. Les bébés sont extrêmement sensibles aux énergies présentes, au ton de la voix, aux gestes et aux postures de leurs accompagnateurs. Cette forme de communication peut influencer de manière subtile mais profonde la manière dont les enfants perçoivent et ressentent leur environnement. Lorsqu'un adulte exprime de la curiosité ou de l'enthousiasme face à une œuvre d’art, ces émotions sont facilement captées par l’enfant à travers les expressions faciales. Un sourire, des yeux écarquillés de surprise ou un regard apaisé peuvent encourager l'enfant à explorer l’œuvre avec un sentiment de sécurité et de plaisir. Inversement, une expression de confusion ou de dédain peut transmettre une impression de doute ou de désintérêt, affectant l’attitude de l’enfant envers l’art.
Le ton de la voix et la sérénité
Le ton de la voix est également crucial. Une voix douce et apaisante peut rassurer l’enfant et lui donner confiance pour explorer librement. Par exemple, un adulte qui commente une œuvre avec un ton chaleureux et positif, même s’il ne comprend pas totalement l’œuvre, peut dire : « Regarde ces couleurs vives, c’est fascinant, n’est-ce pas ? ». Cette approche positive, même sans compréhension intellectuelle complète, transmet un message de bienveillance et d’ouverture.
Gestes et postures engagés
Les gestes et la posture de l’adulte jouent également un rôle. S’agenouiller à la hauteur du tout-petit pour observer une œuvre ensemble, pointer du doigt des détails intéressants ou adopter une posture ouverte et détendue peut renforcer l’intérêt et l’engagement de l’enfant. Ces gestes montrent à l’enfant que l’adulte est engagé dans l’exploration artistique avec lui, créant un sentiment de partenariat et de co-découverte.

Flexibilité et liberté dans la visite artistique des tout-petits

La difficile acceptation de l'imprévu par les adultes


Il est souvent très difficile pour un adulte d’envisager une visite artistique comme étant ouverte à toutes les possibilités émanant de leur enfant. Les tout-petits peuvent adopter des comportements imprévisibles : ils peuvent observer attentivement une œuvre pendant un moment, puis se désintéresser soudainement, vouloir courir, explorer d’autres parties de l’exposition, ou même vouloir sortir. Cette variabilité exige de l’adulte un véritable lâcher-prise par rapport à ce qu’il imagine être le cadre idéal de la visite.

Bienfaits de l'art, bébé et art
Lâcher prise sur le cadre préconçu
L’adulte doit apprendre à lâcher prise sur ses attentes et ses préconceptions concernant le déroulement de la visite. Il est crucial de comprendre que les fluctuations dans l’intérêt et l’attention de l’enfant ne sont pas des échecs, mais plutôt des expressions naturelles de sa curiosité et de ses besoins. Sortir de l'exposition pour un temps, puis y revenir, ou même décider de partir parce que l’enfant n’a plus envie de suivre, n’est en rien un signe d’échec. Au contraire, c'est un signe de respect pour le rythme et les besoins de l’enfant. En permettant à l’enfant de suivre ses impulsions, l’adulte lui offre l’opportunité de ressentir l’espace artistique comme un espace de liberté et de plaisir. L’exposition ne doit pas être perçue comme un parcours rigide à compléter, mais plutôt comme un environnement flexible où l’enfant peut explorer à son propre rythme. Cette approche aide l’enfant à associer l’art à des sentiments positifs et à développer une relation saine et joyeuse avec les expériences culturelles.

Créer une expérience positive et personnalisée

  • Observer et répondre aux signaux de l’enfant : prêter attention aux indices non verbaux de l’enfant et adapter la visite en conséquence. Si l’enfant montre des signes de fatigue ou d’agitation, il peut être bénéfique de faire une pause ou de changer d’activité.

  • Encourager l’exploration libre : laisser l’enfant choisir ce qui l’intéresse, que ce soit une œuvre d’art particulière, un espace interactif, ou même une pause à l’extérieur. Cette liberté de choix renforce le sentiment d’autonomie et d’engagement.


  • Valoriser l’expérience plutôt que le parcours : mettre l’accent sur les moments de découverte et de plaisir plutôt que sur l’accomplissement d’une visite complète. Chaque petite exploration et interaction avec l’art sont une réussite en soi.


  • Communiquer ouvertement : expliquer aux accompagnateurs que la visite est flexible et que les changements de plans sont normaux et bienvenus. Cela aide à créer un environnement sans pression, où chaque membre du groupe se sent à l’aise de suivre son propre rythme.
Co-création et imprégnation
L’idée de co-création, où l'activité artistique est une danse à deux entre l'adulte et l'enfant, est souvent mal comprise. Les adultes peuvent être déçus si l’enfant rencontre des difficultés, comme préférant courir dans l’exposition au moment de l’activité. De plus, les résultats des co-créations, bien que loin de la perfection des œuvres d’artistes reconnus, possèdent une beauté propre. La spontanéité et la maladresse des enfants ajoutent une touche unique, souvent sous-estimée par les adultes.

L'Imprégnation comme fondement pédagogique

L’intérêt de montrer le geste du découpage, du collage ou du dessin devant l’enfant fait partie d’une pédagogie essentielle, celle de l’imprégnation. J’ai développé cette pédagogie grâce à ma formation en wutao*


L’imprégnation est une méthode puissante qui permet aux enfants de s'immerger dans le processus créatif et de développer des compétences et des comportements par le biais de l'observation attentive et de la répétition.
Le rôle de l’observation

Lorsque les adultes montrent des gestes artistiques devant les enfants, ces derniers ont l’opportunité d’observer de manière détaillée comment les activités sont réalisées. Voir un adulte découper du papier, coller des matériaux ou dessiner stimule la curiosité des enfants et leur donne des repères visuels clairs sur les techniques et les méthodes employées. Cette observation active est une première étape cruciale dans le processus d’apprentissage. 

Imiter ou s’imprégner ?

Les enfants, surtout les tout-petits, apprennent énormément par imitation. En montrant les gestes de découpage, de collage ou de dessin, l’adulte agit comme un modèle que l’enfant peut reproduire. Cette imitation ne se limite pas seulement aux mouvements physiques, mais inclut également les attitudes et les comportements associés à l’activité. Par exemple, un enfant qui voit un adulte travailler avec calme et concentration est susceptible d’adopter une attitude similaire lorsqu’il s’essaie à l’activité.

L'aventure de la motricité

Les gestes artistiques tels que le découpage, le collage et le dessin sont également des moyens de développer les compétences motrices fines des enfants. En observant les mouvements précis et contrôlés de l’adulte, les enfants apprennent à affiner leur propre coordination œil-main et à développer leur dextérité. Cette pratique répétée est essentielle pour maîtriser ces compétences motrices;


Renforcement de la confiance en soi

Montrer les gestes artistiques devant les enfants contribue également à renforcer leur confiance en eux. En voyant l’adulte réussir une tâche, les enfants peuvent se sentir encouragés à essayer par eux-mêmes. Cette démonstration de faisabilité et de compétence rassure les enfants sur leur propre capacité à réussir. Chaque tentative, même si elle n’est pas parfaite, devient une étape vers l’acquisition de nouvelles compétences et la construction d’une image de soi positive et compétente.

Création d’un environnement d’apprentissage positif

En montrant les gestes artistiques, l’adulte crée un environnement d’apprentissage positif et interactif. Cette approche participative favorise une atmosphère de collaboration et d’échange. Les enfants se sentent soutenus et accompagnés dans leur exploration artistique. Cette dynamique interactive enrichit l’expérience d’apprentissage et permet aux enfants de poser des questions, d’expérimenter et de recevoir des retours immédiats et constructifs.


Les défis matériels et les préjugés

Le choix du matériel artistique peut également être source d’inquiétude. Même si les objets sont manipulés par l'adulte, certains peuvent craindre pour la sécurité des enfants, par exemple en voyant des ciseaux même adaptés aux tout-petits. Les ateliers souvent perçus comme adéquats pour les tout-petits (peinture à doigt, modelage, gribouillage, collage de stickers) limitent considérablement les propositions d’exploration artistique. Les exercices artistiques proposés, qui visent principalement à développer la motricité des tout-petits, comme le collage ou le découpage, ne sont pas toujours compris par les adultes. Ceux-ci s'attendent à des activités strictement adaptées à l'âge de l’enfant, limitant ainsi les possibilités d’exploration et d’innovation.

Valoriser le savoir-être sur le savoir-faire


La difficile acceptation de l'imprévu par les adultes
Pour beaucoup d'adultes, le savoir-faire, c’est-à-dire les compétences techniques et les capacités à produire un résultat concret, prime souvent sur le savoir-être, qui concerne les qualités relationnelles, émotionnelles et l'état d'esprit. Dans le contexte de l’éducation artistique des tout-petits, cette focalisation sur le savoir-faire peut limiter l’expérience artistique et l’apprentissage des enfants.

Bienfaits de l'art, prendre le temps du souvenir dans une exposition, avec son bébé
L'importance du savoir-être

Cependant, lorsqu'il s'agit d'accompagner les jeunes enfants dans une découverte artistique, l'important est d'être présent, joyeux et engagé dans l’élan créatif avec eux. Le savoir-être inclut la capacité de l’adulte à se connecter émotionnellement avec l’enfant, à créer un environnement de confiance et de liberté, et à encourager l'exploration et l’expression personnelle sans jugement.

L’élan créatif partagé


Participer à l’élan créatif avec l’enfant signifie adopter une attitude de co-exploration. Plutôt que de diriger ou de contrôler l’activité, l’adulte doit être un compagnon de découverte, prêt à expérimenter et à s’émerveiller aux côtés de l’enfant. Cette approche collaborative renforce le lien entre l’adulte et l’enfant et favorise une atmosphère d’apprentissage mutuel et de partage.

Développer la confiance et l'autonomie


En valorisant le savoir-être, les adultes aident les enfants à développer leur confiance en eux et leur autonomie. Les enfants apprennent que l’important n’est pas seulement le résultat final, mais le processus de création lui-même. Ils sont encouragés à prendre des initiatives, à faire des erreurs et à essayer de nouvelles choses, ce qui est essentiel pour leur développement personnel et artistique.

Évolution et reconnaissance des ateliers

Les défis Initiaux


Il m’a fallu du temps pour que les visites ateliers destinées aux enfants, même les plus âgés, soient acceptées dans les expositions contemporaines. Lors de la conception de ces visites ateliers il y a plus de 30 ans, j’ai dû faire face à de nombreux préjugés. Les œuvres contemporaines étaient souvent jugées inadaptées pour les enfants et les activités proposées considérées comme non pertinentes.


Résistance et préjugés

Les obstacles étaient nombreux, y compris l’opposition des différents personnels du musée, des agents de surveillance aux conservateurs. Ils ne comprenaient pas la présence des enfants dans les espaces d’art contemporain et craignaient les conséquences de leur spontanéité, perçue comme une menace pour les œuvres exposées, souvent moins protégées que les œuvres traditionnelles. De plus, les professeurs remettaient fréquemment en question la pertinence d’amener des enfants devant de telles œuvres.

Stratégies pour changer les perceptions

Pour surmonter ces résistances, nous avons dû justifier notre démarche en mettant en place des étapes cruciales. Nous avons commencé par mettre en avant des artistes reconnus comme Matisse, dont les œuvres étaient plus facilement acceptées et avons progressivement créé des liens avec des œuvres contemporaines. Cette approche progressive a permis de changer les perceptions et d’élargir l’acceptation des œuvres contemporaines.

Accepter et valoriser l’exploration

Nous avons également développé des formations pour les adultes, incluant les enseignants et le personnel du musée, pour les aider à comprendre l’importance de l’art contemporain pour le développement des enfants. En expliquant notre démarche et en démontrant les bénéfices éducatifs et émotionnels de ces visites, nous avons progressivement gagné leur soutien.
Un changement culturel
Aujourd’hui, la présence de groupes d’enfants dans les expositions contemporaines est devenue une norme. Ce qui était autrefois une idée controversée est maintenant largement accepté et encouragé. Les enfants sont désormais accueillis dans ces espaces avec une reconnaissance de leur capacité à apprécier et à interagir avec l’art contemporain. Les visite-ateliers pour les jeunes générations sont vues comme une partie intégrante de l’éducation artistique et culturelle.

Perspectives et recommandations

Pour continuer à promouvoir ces initiatives, il est essentiel de :

  • Mettre en place des formations pour les adultes : professionnels de la petite enfance, parents, professionnels de l’art

  • Améliorer la communication autour des projets.

  • Garder foi en la valeur de ces propositions artistiques.

  • Rester ouvert à la critique pour continuer à s’améliorer :

Il est crucial de ne pas se laisser déstabiliser par les critiques, même si une minorité bruyante (10 pour cent) exprime son mécontentement. L'important est de croire en la pertinence et les bienfaits de ces approches pour les tout-petits.

https://formation-exposition-musee.fr/l-art-de-muser/2498-les-tout-petits-au-musee-d-art

https://reseau-lmac.fr/le-labo-des-idees/les-publics-de-la-mediation/mediation-et-petite-enfance

(7) Comments

  1. Bonjour , j’ai beaucoup apprécié votre article . J’essaie moi même d’emmener mes enfants sur des expositions , et chacun et libre de vivre la visite comme il souhaite et c’est toujours intéressant d’en discuter après coup pour mettre en commun les découvertes et ressentis de chacun .

  2. Merci beaucoup pour cet article ! En ce moment, je m’intéresse beaucoup à l’expression non verbale, c’est fou comment la simple intonation peut changer les émotions transmises et ressentis.

  3. says:

    Merci pour cet article ! C’est vrai que ce n’est pas facile d’aborder l’art avec les tout petits si déjà on y va avec beaucoup d’attentes, de projections et de préconceptions. Merci pour cet article qui explique concrètement comment aborder l’art différemment avec les enfants 🙂

  4. Pour partager un moment ensemble et initier ma fille aînée (3 ans à l’époque) à l’art, je feuillettais avec elle un petit recueil de peintures choisies. On parlait des couleurs que l’on aime, des motifs, etc. Sans trop intellectualiser car effectivement, ils n’ont pas la même grille de lecture que nous. C’est important de l’avoir souligné ! Merci pour cet article de qualité 🙂

  5. says:

    Bonjour,
    Votre approche est très intéressante. J’ai toujours sensibilisé mes enfants à l’art mais je n’avais pas pensé à les amener encore tout petits. Effectivement, les bienfaits sont nombreux…

  6. says:

    Différencier savoir être et savoir faire n’est pas toujours facile. Et pourtant ! Ma petite-fille est très artistique. Elle fait des tableaux très impressionnants. C’est tellement beau de soutenir un enfant qui a des prédispositions artistiques ! Merci pour ton bel article.

  7. says:

    Merci pour votre article, j’ai beaucoup aimé emmener mes enfants au musée avec un carnet et des crayons. Ce que vous dites est très juste, avoir une approche non mentale et une écoute des sentiments de l’enfant. Très chouette !

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